Le JAD, passé, présent et futur

© CD92 / Julia Brechler

© CD92 / Julia Brechler

Le JAD, Jardin des métiers d’Art et du Design est un lieu dédié aux métiers d’art et du design à Sèvres. Cet équipement des Hauts-de-Seine est co-piloté par Scintillo – Groupe SOS Culture, Make Ici et l’Institut National des Métiers d’Art (INMA). Sa vocation est de favoriser le dialogue entre artisans d’art et designers.

Il est installé au sein des bâtiments Roux-Spitz et Brunau, situés au 6 Grande Rue à Sèvres. Il rassemble 20 ateliers, une galerie d’expositions, un espace de conférence, des espaces de coworking, des salles de réunion et un Maker Lab. C’est un ensemble architectural qui a moins d’un siècle et pourtant il est déjà chargé d’histoire et classé monument historique ! Son histoire commence au tournant des années 1930 lorsqu’est décidé l’agrandissement et la modernisation de l’Ecole Nationale Supérieure de Céramique née en 1879 sous l’impulsion de Jules Ferry, alors Ministre de l’Éducation.

Celle-ci vient alors compléter les équipements de la Manufacture de Sèvres pensée au milieu du XVIIIe siècle comme un lieu de production, mais déjà doté dès 1824 d’un Musée de la Céramique. Cette école a pour vocation d’assurer l’instruction des artisans, des ingénieurs et des professionnels de la filière alors en plein essor. Elle vise également à favoriser l’innovation tout en préservant un patrimoine de savoir-faire manuels exceptionnels, missions que l’on retrouve, comme en écho, dans les fondements du JAD aujourd’hui !

La conception de ces nouveaux locaux est alors confiée à Michel Roux-Spitz, architecte des Bâtiments Civils et Palais Nationaux. Auréolé d’un prix de Rome en 1920, cet architecte s’inscrit dans la tradition rationaliste et dans le mouvement Art Déco, il est aussi nourri de l’œuvre d’Auguste Perret dont il adopte l’usage du béton armé et les structures poteaux poutres qui permettent de libérer l’espace au sol. L’ensemble qu’il propose à Sèvres est composé de trois constructions nommées bâtiments A, B et C desservis par une ruelle pavée. Le bâtiment A accueille l’enseignement théorique, le B, l’internat et les lieux de vie tandis que le bâtiment C devenu aujourd’hui le JAD est le lieu de l’enseignement pratique. Très vite, une extension Cbis, dorénavant Showroom du JAD est ajoutée au programme pour un premier agrandissement. La Seconde Guerre mondiale n’épargne pas les alentours de Sèvres ni sa Manufacture. Les usines Renault de l’île Seguin sont copieusement bombardées et de nombreux obus viennent endommager l’actuelle Cité de la Céramique. Le hasard épargne le bâtiment du JAD, mais d’important travaux de réparations sont réalisés après l’armistice tout autour et en 1954, un nouveau bâtiment, conçus par Félix Brunau voit le jour. Il est mitoyen du bâtiment de Roux-Spitz dans sa longueur et communique par quelques rares issues avec son faux jumeaux. Sa façade est dotée d’un appareillage en briques, rythmé de chevrons discrets et élégants. Elle est percée de larges fenêtres équipées de volets roulants en lames de bois et donne sur le luxuriant parc de Saint-Cloud.

L’école demeure en activité jusqu’en 1969, date de son déménagement à Limoges et durant une cinquantaine d’année, la vocation du bâtiment C évolue au grès de ces usagers de passage sans qu’un destin bien défini lui soit attribué et les dégradations s’accumulent.

C’est en 2015, à la suite d’un diagnostic du bâtiment effectué à l’initiative du Département des Hauts-de-Seine qu’un nouvel avenir se dessine. Il est porté par Patrick Devedjian, Président du Conseil Départemental des des Hauts-de-Seine, qui signe en 2019 un bail emphytéotique administratif d’une durée de 30 ans avec l’État, propriétaire du site.

C’est Marie-Suzanne de Ponthaud, architecte en Chef des Monuments Historiques, qui est désignée avec son agence pour assurer la réhabilitation des bâtiments. Les architectes s’imprègnent de l’histoire des lieux et élaborent alors un projet à la fois fidèle au riche passé de l’édifice et respectueux de son futur en devenir. Ils réveillent au fil des salles la mémoire des usages passés. Ils font restaurer avec rigueur et exigence les paillasses carrelées avec leurs lavabos en céramique blanche, les volets roulants en lames de bois, les mécanismes d’entraînement des « moulins » de broyage de matières premières et de préparation des pâtes, comme l’ascenseur d’origine. Mais ils repensent également les espaces existants pour accueillir de nouveaux scénario et des usages futurs. Les deux bâtiments siamois qui communiquaient par un nombre très limité d’accès sont dotés d’un long couloir aménagé de portes donnant sur chacun des ateliers pour faciliter la circulation et les rencontres. Le bâtiment Cbis est désormais débarrassé de ses claustras, gagne une perspective dégagée et un statut de Showroom. À croire que ses proportions généreuses le prédestinait déjà à devenir l’espace d’exposition sobre, ouvert et lumineux que l’on connaît aujourd’hui ?!

Dans son espace de convivialité, enfin, un astucieux jeu de marches en chêne massif connecte naturellement les bâtiments Roux-Spitz et Brunau qu’un dénivelé de 90 cm sépare dès la construction du second bâtiment. Il offre à cette enfilade de pièces une nouvelle fonction grâce à son dispositif de gradins, idéal pour les conférences et les débats publics. Ce dialogue équilibré et harmonieux entre passé, présent et futur est un élément clef dans le projet voulu par le Département des Hauts-de-Seine pour le JAD. L’agence de Ponthaud a su en saisir l’esprit avec finesse et nouer un lien durable entre l’identité patrimoniale du lieu et son nouveau quotidien au service des métiers d’art et du design tout en laissant ouvert le champ des futurs possibles.