Cédric Breisacher, design et éco-conception
Cédric Breisacher est designer, ébéniste et sculpteur. Installé au JAD depuis septembre 2022, il y poursuit sa démarche d’atelier local et circulaire et y développe sa recherche autour d’un nouveau matériau issu du réemploi de copeaux de bois. Son travail est exposé au JAD dans le cadre de l’exposition Sempervirens, objets désirables pour un monde durable (18 janvier – 14 mai 2023). Du 19 au 23 janvier 2023, son travail est également montré au Salon Maison & Objets, dans la sélection "Talents so French". L’occasion pour le jeune designer de revenir sur son parcours et de partager son projet d’atelier et l’expérience de ses premiers mois au JAD.
Vous faites partie des quatre « Talents so French » sélectionnés et exposés par le Salon Maison et Objets. Pouvez-vous nous parler du travail que vous allez y présenter ?
J’ai en effet eu l’honneur d’être sélectionné pour la deuxième édition du Programme « Talents so French » aux côtés des designers Elise Fouin, Grégory Lacoua et Victoria Wilmotte. Ce programme, dont la première édition s’est tenue en septembre 2022, a pour objectif de mettre en avant une sélection de jeunes designers français en exposant leurs créations. Toutes les pièces présentées sont réalisées en autoédition, c’est-à-dire que leur dessin comme leur production sont réalisés par leurs créateurs : une démarche qui permet de mettre en pratique le passage de l’imaginaire au réel et qui, de ce fait, nous pousse à questionner nos méthodes de fabrication et inventer de nouveaux processus.
En tant que Talents so French, nous disposons d’un espace d’exposition dédié, au cœur de l’espace du Salon. Cette mise en avant est l’occasion pour moi de présenter mon projet d’atelier circulaire à travers une collection d’objets entièrement zéro déchets, fabriqués notamment à partir de copeaux de bois revalorisés. Ce projet – Aggloméra – est également présenté dans l’exposition Sempervirens : objets désirables pour un monde durable, présentée au JAD du 18 janvier au 14 mai 2023. Je recycle en effet les copeaux que je produis lorsque je travaille le bois pour développer un nouveau matériau, obtenu par divers processus de compression et d’assemblage de ces copeaux, associés à un liant organique à base de fécule de pomme de terre. Dans cette exposition, je présente notamment une table d’appoint dont le caractère innovant réside dans l’absence totale d’émission de déchets au cours de sa fabrication. Cette table d’appoint est en effet composée d’un piètement en frêne massif, dont la sculpture a permis de générer les copeaux qui composent le matériau organique dont est fait le plateau.
Par ailleurs, nous sommes invités, au cours du Salon à prendre la parole lors d’une table-ronde [le dimanche 22 janvier de 14h à 14h45] sur le thème de la matière : comment la dompter ? ou plutôt comment dialoguer avec elle ? mais aussi comment la travailler dans une logique de recyclage et de réemploi ? l’occasion de parler de nos projets respectifs, mais aussi et surtout d’échanger et de confronter les idées et les conceptions de chacun.
Pourriez-vous présenter en quelques mots votre parcours et le projet que vous portez au sein de votre atelier ?
Je me suis formé dans un premier temps au design industriel. Puis, vers la fin de mes études, j’ai fait la connaissance de Valentin Loellmann, artiste et designer, dont la rencontre a été déterminante dans mon parcours. Son travail m’a ouvert de nouveaux horizons en me donnant le goût de la création par le faire et l’envie de raconter des histoires à travers la création d’objets. Auprès de lui, j’ai aussi découvert le travail du bois, l’osmose avec la matière et l’empreinte immédiate qu’on y laisse quand on la sculpte. Cette rencontre a été le déclencheur qui m’a permis de créer en 2015 mon propre atelier.
Depuis l’origine, mon projet prend racine dans une volonté forte : celle de développer un atelier supralocal, produisant des objets sourcés dans un rayon de moins de 50km. Néanmoins, après quelques années d’activité, j’ai ressenti le besoin de pousser plus loin l’exploration des questions de durabilité et de circularité au sein de mon atelier. C’est pourquoi j’ai repris mes études pour suivre au cours de l’année 2021-2022 le Mastère Spécialisé Création & Technologie Contemporaine à l’ENSCI. C’est dans ce cadre que j’ai commencé à travailler sur le copeau de bois et à le considérer comme la mémoire d’un geste. Plutôt que de simplement créer un matériau écologique, je cherche en effet à apporter une poésie au réemploi. Ce travail m’a aussi permis de remettre la recherche et la création au cœur de mon activité, dans un esprit de design studio.
Comment décririez-vous votre manière de travailler ? Votre rapport à la matière ?
En tant que créateur autodidacte, mon rapport à la matière est assez itératif et sensible. Ma manière de travailler est très organique : pour moi, c’est avant tout le mouvement du corps qui dessine la pièce. De plus, j’utilise l’outil non pas comme un moyen d’aboutir à une forme, mais comme un moyen de me reconnecter à un matériau vivant. Si je travaille un bois qui a poussé sur un terrain sec, venteux, et qui est plein de nœuds, la forme sera complètement différente de celle que j’obtiendrais avec un bois qui a poussé dans des conditions plus douces. C’est en cela que je parle de connexion avec le matériau : c’est en laissant l’outil naviguer sur la surface que l’on peut réellement sublimer la matière et laisser l’objet prendre vie.
Depuis septembre 2022, votre atelier est installé au JAD. En quoi prendre part à ce projet constitue pour vous une opportunité ?
C’est avant tout la collaboration avec d’autres artisans d’art et designers ainsi que l’axe de recherche qui ont motivé ma candidature. L’espace d’expérimentation qu’offre le JAD est précieux pour inventer de nouvelles manières de fabriquer et questionner le dialogue entre artisanat d’art et design. Le fait que ce volet expérimental s’accompagne, dans le projet du JAD, de l’organisation d’événements dédiés au secteur et au grand public est également important à mes yeux car ces moments de partage sont essentiels pour mettre en lumière nos recherches et leurs premières matérialisations.
Entretien mené par Brune Schlosser
Chargée de projets culturels et patrimoniaux à l’INMA
et correspondante INMA au JAD
Crédits photos couverture : Paul Perret