Matière à Penser, un programme d’excellence dédié aux métiers d’art
Matière à penser, un programme d’excellence en Éducation Artistique et Culturelle
En septembre 2023, l’Académie de Versailles a inauguré un nouveau programme d’excellence en Éducation Artistique et Culturelle, intitulé « Matière à Penser« , spécifiquement conçu pour valoriser les métiers d’art. Ce programme, lancé en partenariat avec Les Grands Ateliers de France, le Musée des Arts Décoratifs et le Jardin des métiers d’Art et du Design s’adresse aux élèves de cycle 4, souvent éloignés de la culture, avec pour objectif d’ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles et de susciter la curiosité pour ces métiers d’exception.
En alliant approche transdisciplinaire, contact avec les professionnels de la création et pratique artistique, « Matière à Penser » permet aux élèves de découvrir les métiers d’art à travers des ateliers pratiques et des rencontres avec des créateurs et artisans. Ces interventions se déroulent directement dans les collèges, en collaboration avec les équipes pédagogiques, et s’étalent sur deux ans pour les élèves de 4e et de 3e.
Pour cette première année, le programme a réuni des créateurs de renom tels que Nelly Saunier (plumassière), Fanny Boucher (maître d’art héliograveur), Lison de Caunes (spécialiste de la marqueterie de paille) et Luce Couillet (designer textile), ont partagé leur expertise et les gestes de leurs métiers avec les élèves. En septembre dernier, six nouveaux créateurs ont rejoint l’initiative : Hervé Obligi et Morgane Baroghel Crucq pour les Grands Ateliers de France, ainsi que Anne Agbadou Masson, Rose Ekwé et Marion Gouez pour le JAD.
Ces interventions enrichissent le programme en offrant aux élèves une immersion unique dans des univers créatifs et métiers de haut vol, tout en contribuant à la valorisation de l’artisanat et du design.
Le JAD, partenaire du programme
Dans le cadre de ses actions de sensibilisation, le Jardin des métiers d’Art et du Design poursuit son engagement en participant activement au programme Matière à Penser. En tant que partenaire du programme, le JAD accompagne les créateurs et les équipes pédagogiques impliquées en tant que lieu ressources pour la découverte et l’initiation aux savoir-faire d’excellence, en complément des actions du Musée des Arts Décoratifs.
Pour sa première édition, le programme propose aux élèves de 4ème du Collège Albert Camus à Brunoy de découvrir le monde du tissage, au travers des interventions de Luce Couillet, designer textile et plasticienne installée au JAD.
L’expérience a débuté par une sortie à Sèvres, où les élèves ont eu l’occasion de rencontrer Luce Couillet, de découvrir ses créations et d’explorer sa démarche artistique. Ils ont également visité son atelier, un moment d’immersion dans le processus créatif de l’artiste. Cette rencontre a été l’occasion pour les élèves de s’ouvrir à l’univers des métiers d’art, notamment à travers la découverte de métiers d’excellence tels que l’horlogerie, l’armurerie ou l’ébénisterie, en rencontrant les candidats au Prix Avenir Métiers d’Art 2023 et en découvrant leurs réalisations.
Au-delà de cette immersion, les élèves ont également visité le MakerLab du JAD, où ils ont pu se confronter à la réalité de la fabrication grâce à une découverte du parc de machines et des multiples possibilités offertes par l’outillage. Une approche à la fois esthétique et concrète, enrichissante pour ces jeunes, qui ont ainsi pu appréhender de manière pratique et directe la variété des métiers d’art existants et les parcours d’études qui y mènent.
Luce Couillet – créateur associée
Formée au design aux Beaux-Arts de Reims, puis à l’ENSCI – Les Ateliers, Luce Couillet explore les potentialités du tissage à travers une démarche artistique singulière. Son travail, axé sur la recherche de nouveaux matériaux, se déploie dans des applications variées, allant de l’architecture d’intérieur à la haute couture. Sa pratique se distingue par l’utilisation de matériaux hétérogènes et non conventionnels, tels que le crin de cheval, le roseau ou le métal, qu’elle tisse pour créer des compositions à la frontière entre l’objet et la sculpture. Son vocabulaire visuel, inspiré du minimalisme des arts premiers et de l’art optique et cinétique, interroge la relation entre surface et volume.
En s’engageant dans le dispositif « Matière à penser », Luce Couillet se consacre pendant deux ans à accompagner les collégiens dans la découverte de la création. Avec l’envie de poursuivre son expérience dans l’enseignement, déjà acquise au sein de diverses écoles, elle souhaite offrir aux élèves une parenthèse bienvenue dans le cadre scolaire, souvent marqué par les exigences de performance et de réussite. À travers ce programme, elle désire proposer un lieu propice à la réflexion :
“Je vais semer des graines avec l’espoir qu’elles germeront un jour et c’est aussi une occasion précieuse de prendre du recul sur ma propre pratique artistique et de la partager de manière accessible avec un jeune public.”
Luce Couillet
Poésie de la matière – le cycle d’ateliers
À travers la thématique Poésie de la Matière et aux côtés de Valérie Roudot, professeure d’arts plastiques au collège, Luce Couillet a conçu et animé un cycle d’ateliers pour les élèves de 4ème du Collège Albert Camus de Brunoy.
Cinq ateliers ont été développés, permettant aux élèves de découvrir le processus créatif dans son ensemble. L’objectif de « Matière à Penser » est bien d’initier aux différentes étapes de la démarche artistique : de la conception à la création, jusqu’à la réalisation de l’œuvre.
Dans ce cadre, Luce Couillet guide les élèves dans une expérience complète, du croisement des fils à la construction de l’œuvre, en y intégrant une dimension réflexive et collective.
Atelier 1 & 2
Les premier et deuxième ateliers ont permis aux élèves de s’initier de manière ludique au code binaire : le langage du tissage. À travers le croisement de bandes de papier noires et blanches, les élèves ont découvert comment engendrer une multitude de motifs. Ils ont expérimenté en croisant de manière orthogonale les bandes et ils ont pu découvrir comment s’entremêlent les fils dans la toile, le sergé et le satin.
“En changeant simplement un paramètre, on ouvre une infinité de possibilités. Un sujet ne s’épuise jamais ; il se réinvente à chaque variation.”
Cet atelier s’est révélé être une manière de comprendre le temps long de la création, la patience indispensable pour faire émerger la forme. Il a permis d’appréhender la notion de temps et de saisir l’un des grands axes du programme.
Atelier 3
Dans un troisième atelier, les élèves ont été invités à penser la création comme un récit, en interrogeant l’histoire derrière chaque œuvre et en réfléchissant à l’imaginaire qui nourrit un projet. Ils ont abordé le tissage sous un angle plus symbolique : à partir de leurs portraits photographiques découpés en bandes, ils ont tissé les images les unes avec les autres.
« J’ai remarqué que cela les avait bousculés, partager avec les autres son image… », confie Luce. Ce moment de confrontation avec l’autre, au-delà des matériaux et des techniques, a mis en lumière des enjeux plus profonds : celui du regard de l’autre et de l’intimité, ainsi que la manière dont l’identité se construit.
Atelier 4
Luce a souhaité dévoiler aux élèves toutes les facettes du tissage en les guidant, petit à petit, d’un projet en deux dimensions vers la création de volumes. Dans cet atelier, après les avoir initiés aux gestes de la vannerie, elle leur a proposé de tisser des sculptures en fil de laine. Ce passage du plan au volume a permis aux élèves d’expérimenter une forme de création plus concrète et tangible. L’atelier a rapidement suscité un enthousiasme général, car les élèves ont vu leurs idées prendre forme dans l’espace.
Atelier 5
Dans la continuité de cette exploration de l’espace, le cinquième atelier, résolument plus expérimental, a ouvert la voie à une improvisation collective. Munis d’élastiques et d’agrafeuses, les élèves ont été invités à investir la salle de classe en créant une toile d’araignée géante. L’objectif n’était pas seulement de tisser, mais de s’approprier l’espace, de le modeler, et de faire naître une œuvre collective qui s’étendait et s’élargissait, transformant l’environnement de manière spontanée et ludique.
Perspectives pour l’année 2024/2025
Pour l’année 2024-2025, un nouveau cycle d’ateliers est proposé, pensé dans la continuité du précédent. Chaque élève est invité à créer son propre textile, en fabriquant ses matériaux. Les ateliers s’ouvriront également à d’autres formes d’expression, notamment le dessin. Le travail graphique permettra aux élèves de développer leur sens du volume et de la structure. En parallèle, une attention particulière sera portée à la notion d’échelle, avec des exercices visant à créer des dessins et des plans qu’ils reproduiront à grande échelle.
Les ateliers favoriseront aussi une approche transdisciplinaire, tissant des liens entre différentes matières et permettant ainsi une appréhension du tissage sous des angles multiples. L’ambition de Matière à Penser est de croiser les disciplines, d’élargir le champ de réflexion et d’inciter à la création sous diverses formes. L’orthogonalité et la géométrie du tissage serviront de passerelle idéale pour aborder des concepts mathématiques en collaboration avec le professeur de géométrie.
En résonance avec le pilier de la Charte de l’Éducation Artistique et Culturelle (EAC), qui souligne l’importance de l’intégration de l’environnement familial et social des élèves, les créations issues des ateliers pourront faire l’objet d’une exposition ou d’une mise en scène. Les élèves auront ainsi l’opportunité de présenter leurs œuvres à leur entourage, créant un véritable moment de partage et d’échange.
En 2024 et en 2025, le JAD continuera de nourrir cette dynamique de création et d’expérimentation avec la participation de nouveaux créateurs au programme Matière à penser.
Rose Ekwé, designer textile, interviendra au collège collège Sédar Senghor de Corbeil-Essonnes pour accompagner les élèves dans un projet d’aménagement et de décoration. Son approche sera l’occasion pour les élèves de découvrir les multiples facettes du design textile appliqué à l’espace, tout en les sensibilisant à l’impact de l’esthétique et des matériaux sur leur environnement quotidien.
Parallèlement, Marion Gouez, également designer textile, travaillera avec une autre classe d’élèves du collège Youri Gagarine de Trappes autour d’un projet visant à retranscrire le vivant à travers des motifs textiles. En explorant les formes et les structures inspirées de la nature, elle guidera les collégiens dans la création de textiles en lien avec le monde organique.
Anne Agbadou Masson, céramiste au JAD, interviendra quant à elle avec une équipe d’élèves du collège Les Plaisances de Mantes-la-Ville, pour une découverte approfondie de la céramique et de son potentiel en tant qu’outil narratif.
Ces projets, qui viendront enrichir le parcours « Matière à Penser », continueront de mettre l’accent sur la transversalité des disciplines et l’importance de la rencontre entre les élèves et les créateurs, dans le but de nourrir leur curiosité pour les métiers d’art.
Quelques ressources :
- Retour sur le lancement du programme, Revue DAAC’tualités, n°45, décembre 2023, page 11
- Le padlet « Matière à penser » de l’académie en accès ici